Régis Marzin
Photographe, artiste, journaliste, à Aubervilliers et Paris
Exposition
"Culture rrom en
résistance en Seine-Saint-Denis"
En même temps,
vernissage de l'exposition "Dosta", planches originales de BD de Damien
Roudeau
Samedi 2 juin de 16h à 19h: finissage, à 16h, spectacle de Chave Sumnakune, troupe des enfants rroms du Hanul de
Saint-Denis,
et à 18h lecture-concert de "Tsiganes" par Christophe Bonzom, avec
Ghali Hadefi (guitare)
Kesaj Tchave au spectacle de soutien aux expulsé-e-s, Montreuil, 29 novembre 2009
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Le peuple rrom se déplace en Europe depuis des siècles avec sa musique, ses danses, et sa misère. Pour les accueillir, le racisme et la xénophobie sont malheureusement bien ancrés. Au XXIe siècle, les familles rroms connaissent surtout des problèmes de papiers, de travail, de logement, et sont victimes d’une répression méprisante et médiatiquement instrumentalisée. L’histoire retiendra peut-être comme symbole d’une xénophobie d’Etat plus large, les excès de l’été 2010 contre les rroms, quand même l’église catholique a protesté. La violence et l’indignité de la surenchère sécuritaire pour des raisons électorales, injurieuse et discriminatoire, m’a poussé à essayer de suivre à ma manière des rroms près de chez moi. Le mépris pour la vie intellectuelle et les problématiques ramenées à des simplifications grossières, sapent le moral, exacerbent, irritent : attention à la goutte qui a ferait déborder le vase. Travaillant toute la journée, comme ‘journaliste’, sur les dictatures africaines, la misère et la criminalité, j’ai voulu photographier une réalité plus gai, ce que je pensais être intéressant chez les rroms, une manière d’être créatif quelques soient les difficultés. En 2008, à Saint-Ouen, j’ai croisé l’association Parada qui est ensuite allée à St-Denis, au Hanul. En Novembre 2009, j’ai vu un spectacle de soutien d’une troupe de Slovaquie, Kesaj Tchave et plusieurs enfants du Hanul dansaient avec eux-elles. En Juillet 2010, j’ai rencontré Maya. Les familles du Hanul, expulsées ce même été trouvèrent refuge à la Plaine Saint-Denis. Après quelques mois près d’Epinay, ces familles doivent maintenant s’installer dans des algécos près de la Courneuve. Les enfants du Hanul et Misha ont créé une troupe, Chave Sumnakune, ‘Les enfants en or’.
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Vendredi 11, samedi 12 mai 2012, Fac Saint-Denis, colloque "Ecritures en migration(s)", en face M° St-Denis Université, exposition collective avec Henri Bokilo et 8 autres artistes
Dans mon voyage, des rroms m’accompagnent. Tout petit, j’ai grandi en Bretagne près d’un terrain pour 3 ou 4 caravanes. Puis, je les ai retrouvé-e-s à Paris quand je vivais près de la « cité des gitans ». Et enfin, dans le 93, j’ai croisé de plus en plus les rroms venu-e-s de Roumanie. En 2008, pendant un spectacle pour les enfants à Saint-Ouen, j’ai rencontré l’association Parada qui ira ensuite s’installer à St-Denis, au Hanul. En Novembre 2009, une expulsion a eu lieu à Montreuil et les familles dormaient sur le trottoir. J’ai découvert les danses dans un spectacle de soutien fait par une troupe de Slovaquie, Kesaj Tchave. Plusieurs enfants du Hanul dansaient avec eux-elles. En Juillet 2010, c’est par hasard que j’ai vu près de chez moi une danseuse professionnelle originaire de Serbie, Maya. Le président de la République dépassait les bornes. C’est alors qu’a eu lieu l’expulsion lamentable des rroms du Hanul par la préfecture de police. Les familles à la rue trouvèrent refuge chez les artistes du 6B, puis obtinrent des terrains à la Plaine Saint-Denis. En avril 2012, ces familles doivent aller dans des algécos près de la Courneuve, à quelques mètres de l’autoroute A1. Dans cette errance dans Saint-Denis, alors que les conditions de vie sont très dures, les enfants du Hanul et Misha ont créé une troupe, Chave Sumnakune, ‘Les enfants en or’. Je me suis mis à la photographier régulièrement. Nous avons des difficultés à communiquer par le langage parlé, même si c’est déjà plus facile avec les enfants et les jeunes qui vont à l’école. La culture rrom s’affirme dans la danse. Je capte ce qu’ils et elles veulent bien me montrer. J’y rajoute mon regard superficiel et esthétique, et nous essayons de nous comprendre un peu ainsi. Cela me rappelle aussi Rébec’, que j’ai photographiée longuement à Paris, il y a 10 ans. Elle a du sang gitan et à l’époque une manière de vivre au jour le jour. Je l’avais accompagné à Barcelone, sur les traces de sa famille. Dans mon voyage, des rroms m’accompagnent.
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Entretien entre Florence Mottot (Le cadratin) et Raluca Vlad et Régis Marzin exposant ensemble au colloque Ecritures en Migration(s)
Deux « oeils » photographiques, une double vue sur les rroms. Le photographe Régis Marzin a croisé les rroms dès sa petite enfance, en Bretagne, et les a retrouvé au Hanul de Saint-Denis. La photographe Raluca Vlad est originaire de Roumanie. Elle redécouvre les rroms en Seine-Saint-Denis, avec un regard changé par le déplacement de territoire.
Depuis sa fenêtre, Raluca photographie les familles rroms qui font les poubelles, pour témoigner, hors jugement, d’une réalité locale. Dans les camps, Régis choisit de fixer des rroms qui dansent en musique. « La culture rrom s’affirme dans la danse », explique t-il.
Dans cet interview croisé, Raluca et Régis évoquent les « mythologies » positives comme négatives entretenues autour des rroms, que l’image photographique peut soit nourrir, soit casser, soit interroger. L’occasion pour eux de se positionner sur les notions de la sincérité de l’artiste et de la vérité de l’image exposée: Quelle réalité des rroms montre le photographe au public, et pour dire quoi?
Au-delà du message idéologique, la photographie peut porter une pure motivation esthétique. L’artiste négocie, quoi qu’il en soit, avec la difficulté propre à sa discipline de se positionner clairement du côté du photo-reportage ou de la photographie d’art.
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Photo : (c) Régis Marzin, Paris, 4 septembre 2010, les Rroms du Hanul à la manifestation contre la xénophobie
Article
écrit pour le journal Tribune d’Afrique (Lomé, Togo), 24 mars 2012
Sarkozy
et les Rroms : une erreur politique de trop?
Nicolas
Sarkozy n’a sans doute jamais eu dans son cœur le
peuple rrom se déplaçant en Europe depuis des siècles avec sa musique,
ses danses,
et sa misère. Les gitans depuis longtemps en Espagne ou en France,
forment une
partie de ce peuple, ils et elles ont souvent été surnommés par erreur
‘tsiganes’. Les ancêtres des Rroms ont quitté l’Inde du Nord il y a
environ 800
ans. Pendant la seconde mondiale, les nazis les ont tenté de les
exterminer: le
génocide ou « Samudaripen » a fait 500 000 morts. Ils
ont
profité de la chute du mur de Berlin pour fuir dans les années 1990 la
guerre
de Yougoslavie et d’autres pays dans les années 2000. Des familles se
sont
réparties dans des campements de fortunes, des bidonvilles, et la
confrontation
avec la police française instrumentalisée est devenu fréquente. Les
Rroms de
Yougoslavie arrivés nombreux avaient obtenu des asiles politiques, mais
les autres
Rroms d’Europe de l’Est, surtout venus de Roumanie, n’ont ensuite pas
eu droit
aux papiers. Ils parlent peu et mal le français et scolarisent les
enfants dès
que possible. Ils ne sont pas autorisés à travailler et se
débrouillent.
Pour arriver au pouvoir en 2007 en s’appuyant sur la police, Sarkozy a joué sur le racisme et la xénophobie de la population française malheureusement bien ancré depuis la colonisation. Accompagné de ses conseillers et ministres, Hortefeux et surtout Guéant, il s’en est pris aux Rroms sans logement, comme aux autres sans-papiers, en augmentant la répression méprisante et médiatique. L’histoire retiendra peut-être comme symbole de la politique xénophobe d’Etat, le dérapage du président français de l’été 2010. Suite à un accident entre gendarmes et quelques rroms, sans doute incapable de contrôler les excès de son caractère, voulant de nouveau jouer la surenchère sécuritaire pour des raisons électorales, il s’en est pris au peuple rrom dans la totalité, de manière injurieuse et discriminatoire, en accusant aussi les Français d’origine étrangère et les étrangers d’être la source de l’insécurité. Bien mal lui a pris, car devant lui s’est dressé une levée de bouclier : toutes les associations de droits humains, les media, et finalement l’église. La Ligue des Droits de l’Homme l’a accusé de « menacer les fondements mêmes de la République ». Les critiques sont venues de toute l’Europe. Il a surtout provoqué la réprobation de l’église catholique française, choquée, et du pape : Benoît XVI y a fait allusion en recommandant l'accueil des «légitimes diversités humaines». Déjà, le mépris du président pour la vie intellectuelle française et sa capacité à rabaisser les problématiques à des simplifications grossières, avaient sapé le moral, exacerbé, irrité au maximum, mais là, ce fût la goutte qui a fait déborder le vase, il était allé trop loin. La campagne électorale de 2012, montre de nouveau que la grosse ficelle de la xénophobie sert de base à un président sortant en manque d’idées. Espérons que la leçon de l’été 2010 aura été comprise par suffisamment d’électeurs et électrices. L’élection française se gagne à quelques points et la bourde honteuse de l’été 2012 pèsera peut-être dans l’histoire plus lourd qu’il n’y paraît dans l’agitation de la campagne.
* * *
La nouvelle installation des
familles Rroms du Hanul dans de meilleures conditions sur un terrain
proche des Cosmonautes avec un accompagnement de la Municipalité est
une étape positive dont nous nous réjouissons. Nous savons que cette
installation suscite de l’émotion et nous tenons à
rappeler un certain nombre de réalités.
Les Rroms migrants qui vivent
actuellement en France sur des terrains dans des cabanes sont
originaires d'Europe de l'Est : de Roumanie, de Bulgarie et de Hongrie,
pour l'essentiel. Venus en France pour fuir les difficultés économiques
et les discriminations dont ils souffrent dans leurs pays, les Rroms ne
sont pas des nomades qui refuseraient par choix de se sédentariser. Ce
sont des citoyens européens devenus migrants suite aux expulsions
successives. Ils sont estimés, d’après les ONG, sur tout le
territoire national, à une dizaine de milliers.
La législation leur permet
d'entrer tout à fait légalement en France mais leur interdit
actuellement d'y travailler. A cause de ces difficultés d'accéder au
marché de l'emploi, ils se trouvent privés d'accès aux droits sociaux
et à toutes les aides indispensables à leur insertion.
Nous appelons l'Etat et
l’Union européenne à prendre
leurs responsabilités face à ces discriminations intolérables.
A Saint-Denis, comme dans
plusieurs villes du département, des familles Rroms sont contraintes de
vivre dans des squats délabrés ou des bidonvilles. Les élu-e-s et
associations impliquées auprès de ces familles tentent de répondre à l’urgence : scolarité des
enfants, accès au soin et aux conditions d'hygiène… La solidarité s’est manifestée aussi par la
présence de nombreux soutiens à leurs côtés.
En l’occurrence pour
l'installation proche des Cosmonautes et du Champ de Courses,
Route de La Courneuve, il s’agit de familles dionysiennes
implantées depuis 10 ans dans la ville, et injustement chassées de leur
lieu de vie il y a 18 mois. Leurs enfants sont scolarisés depuis
longtemps à Saint-Denis. Une grande partie d'entre eux sont nés en
France. Après deux lieux d’accueil successifs, la Ville
a décidé de favoriser leur installation sur un nouveau terrain mis à
disposition par le Préfecture. Ce faisant, la Municipalité ne fait que
répondre à son devoir de solidarité envers tous les Dionysiens, quelles
que soient leurs origines.
C’est un travail de solidarité
avec ces familles dionysiennes qui se construit, avec le souci de
règles de vie commune. Le rejet, la stigmatisation, le racisme à
l'encontre des Rroms sont non seulement inacceptables du point de vue
légal et moral, mais aussi très négatifs pour l’ensemble des composantes de
la ville. Les Rroms sont la population la plus précaire et fragilisée
en ce moment. Si d'autres populations se trouvaient dans les mêmes
difficultés à cause de la misère croissante et de la crise (ce qui est
déjà le cas pour de nombreuses personnes privées de logement), la seule
issue serait-elle la relégation et l’expulsion ? Nous pensons au
contraire que la seule issue possible et acceptable est le renforcement
des solidarités, et la lutte commune de tous pour l'accès aux droits
fondamentaux pour l'ensemble des habitants, Rroms inclus.
Nous souhaitons que se
poursuive, avec la participation constante et pleine et entière de
tous, voisins, habitants du quartier, familles Rroms, soutiens,
professionnels, institutions et élus, représentant de l’Etat, dans des instances
démocratiquement constituées et en veillant à la qualité de la
concertation, ce travail de construction du vivre ensemble autour de
l'installation de ces familles Route de La Courneuve comme étape d'un
projet pérenne d'habitat intégré à la ville conçu et co-construit avec
ces familles sur de nouveaux terrains.
Nous tenons aussi à rappeler que malgré tout leur engagement et toute
leur énergie, les collectivités locales et les associations ne peuvent
à elles seules trouver les réponses à ce phénomène d’envergure nationale et
européenne. Nous nous réjouissons qu’une solution provisoire de
qualité ait été trouvée pour les familles du Hanul, dans une
coopération positive entre l'État et la commune. Cependant le
problème reste entier pour de nombreux sites de squats ou de terrains «
délaissés », particulièrement à Saint-Denis et dans le département, où
aucune condition acceptable de vie n’est réunie : c’est au Préfet d'intervenir
pour que les solidarités interurbaines, entre villes, jouent pleinement
et avec des moyens permettant des conditions de vie digne de ces
familles.
Il est urgent de réfléchir à
des solutions pérennes plutôt que de continuer à voir ces populations
aller de ville en ville et vivre dans des conditions toujours plus
difficiles dans l'attente et dans la crainte de leur prochaine
évacuation. Nous ne pouvons totalement nous satisfaire de solutions
précaires. Le droit au logement digne doit s’appliquer aussi aux
familles Rroms.
Nous demandons donc à nouveau
à l'État d'organiser une conférence régionale où élu-es, associations
et représentants de l'État pourraient dialoguer et mettre en place
ensemble ces solutions pérennes que nous appelons de nos vœux. Nous
demandons également à l'État et à l’Union européenne de supprimer
les mesures transitoires concernant les citoyens roumains et bulgares
qui les empêchent d'accéder au marché du travail et par conséquent à
des conditions de vie digne. L’Europe doit aussi assumer ses
responsabilités.
Nous demandons à être reçus
dans les meilleurs délais par le Préfet de Seine-Saint-Denis.
Premiers signataires :
EELV, FASE, GU, MRC, NPA, PCF, PG, PS, CGT, SOLIDAIRES, MRAP St-Denis,
LDH St-Denis, Equipe Pastorale Catholique ...